Hybrides, quantifiés, en devenir cyborg (augmentés de prothèses numériques), en devenir image (perceptible à travers des écrans)… notre ontologie d’humains contemporains est trouble. Comment préserver ou rétablir le lien avec les archétypes et divinités qui ont façonné notre culture ? Comment nous connecter avec ces entités ou avec ce en quoi nous les avons fait muter ? Convoquons ces esprits « toujours-déjà-là ». Spiritisme augmenté est un ensemble d'images, documentation de plusieurs rituels et autres convocations d'entités mythiques (parmi lesquelles : un Actéon, deux des trois Parques, une gardienne du feu, une sorcière géométrique, Diane et quelques-unes de ses nymphes). Puisant dans ce corpus, la performance Emprunts de Sorcière prend la forme d'une petite cérémonie techno-païenne mêlant différents registres narratifs. Le texte est en partie inédit et en partie constitué de citations et collages.
Considérant
que nous sommes tous des êtres à la fois
corporels, biologiques, incarnés,
mais aussi :
des êtres relationnels,
des êtres informationnels,
des êtres aux extensions digitales ;
Considérant
que nous vivons dans un monde
physique, technique, numérique,
simultanément ;
Considérant
que nous sommes plus que la somme de nos apparences,
plus que la somme des imaginaires
qui nous produisent et que nous produisons,
plus que les fruits des scénarii
mis en puissance dans nos dispositifs de vie quotidienne,
plus que tout ceci et, simultanément, tout ceci aussi ;
Postulant
que les imaginaires qui nous travaillent,
nous traversent et constituent notre culture,
ont des racines antiques,
subissent des variations en traversant les époques
et survivent à travers nous ;
Postulant
que nos appareillages techniques contemporains
puissent être considérés
comme des matérialisations récentes
de véhicules et de méthodes ancestrales
visant à rendre perceptibles la porosité des mondes
— le nôtre, celui des Dieux auxquels nous ne croyons plus,
celui des entités magiques, fictionnelles, que nous créons ;
Considérant enfin,
que les images précèdent les mots,
que, se détachant de la genèse de leur production,
les images ne re-présentent pas quelque chose de préexistant,
mais qu’elles rendent présent et font exister.
Considérant
cette puissance magique des images,
cette capacité à être quelque chose
et simultanément,
à ne pas être une autre chose
que pourtant elles rendent présent à travers elles,
que pourtant elles montrent ;
Prenant position
du côté du performatif qui dit pour faire exister,
plutôt que de l’ontologique qui dit pour faire connaitre ;
Prenant le parti
des images à produire par le regard,
des images qui ne traduisent rien,
des images toujours déjà-là
— et donc, jamais vraiment ici ni maintenant ;
Il s’agit
de vous faire le récit
de quelques surgissements d’égrégores,
de quelques symbioses entitaires, énergétiques, fugitives,
permises et observées, chacune,
avec le concours d’outils numériques.
Il s’agit de relater ce qui a eu lieu,
de vous faire le récit de la succession des gestes,
de vous montrer ces images
où insistent les survivances des archétypes que nous avons convoqués.
Faire des gestes, dire des mots, manipuler des objets.